mercredi 21 octobre 2009
I KIYA NGI CIKA MOSOKO
Octobre est le mois du « karal » ou « mosoko »: le temps de semer le mil jaune. Cette variété de mil est la plus importante ici. À cette époque, il est difficile de mobiliser les gens pour des rencontres. Tout le monde est au champ pour s’assurer de l’aliment de base pour l’année à venir.
Je ne pouvais passer du temps ici sans connaître ce travail. C’est comme si moi qui a grandi avec derrière la maison de mes parents l’érablière de oncle Michel, je n’aurais pas participé au travail lié au temps des sucres… Samedi dernier, j’ai donc accompagné Yuguda, sa femme Jacqueline et deux de leurs enfants en brousse pour planter le mosoko. Je vous raconte la journée.
À six heures du matin, je suis chez Yuguda. Moi et Barnabé attachons sur le vélo des ballots de semis plantés un mois auparavant. On fait environ huit kilomètres en brousse vers Kalaf, ou le champ de la famille se trouve. Rendu là-bas, on met les pousses à l’humidité dans une petite marre, et on attend Yuguda, Jacqueline et Romain qui nous suivent à pied, avec sur la tête d’autres ballots.
Le groupe arrivé, Yuguda commence à faire des trous d’environ trente centimètres de profond avec un bâton de métal, le « buluk ». Romain transporte l’eau de la marre, on rempli le trou d’eau et on insère alors deux pousses par trou, sans refermer avec la terre : les racines prendront d’ici quelques jours. J’ai expérimenté le « buluk ». Waw! Après seulement une trentaine de trous, les bras me tiraillaient; imaginez les gars qui en font des centaines dans une journée.
Barnabé et moi sommes revenus vers 10h30, avant le fort soleil de midi. On s’est arrêté me chercher des arachides dans leur champ un peu plus près du village. Brillé-Marie, la mère de Yuguda, était là à travailler : Barnabé me disait qu’elle passait ses journées complètes en brousse. Faut le faire à soixante ou soixante-dix ans.
Inutile de vous dire que l’on a trouvé bien spécial de voir le blanc au champ ce samedi. Tout les gens rencontrés étaient contents, mais pas autant que moi.
Jusqu’en février, le mil poussera en saison sèche, il a besoin de très peu d’eau. Comme une mauvaise saison de mil jaune rend la situation alimentaire de la famille de l’extrême-nord très précaire; il faut que ça donne!
Au retour, dans l’après-midi, j’ai croisé Yuguda au village. Il me remerciait de les avoir accompagné. Il dit que cela les a aidé (si peu) et que ça l’a touché…
Bon, je m’arrête sinon je vais chiâler. Bisous à tous!!!
jeudi 15 octobre 2009
DONNER OU NE PAS DONNER?
Eh bien voilà! Après tous les bons mots sur mon coin d’Afrique et toutes les fleurs lancées, arrive ce petit pot de fiel. Il est temps, me direz-vous?
Depuis mon arrivée, je me fais souvent aborder avec des demandes qui ne m’agaçaient pas trop au début mais qui à la longue me déstabilisent un peu. Veut, veut pas, le blanc que je représente est associé à moyens et possibilités : moyens financiers et possibilité pour le pauvre de profiter un peu. Il y a quelques enfants qui me lancent « Donnes-moi le bonbon! »; « Donnes-moi l’argent! »; « Je n’ai pas le cahier! » Il y a quelquefois les vieux : « Je n’ai pas le médicament. » Le petit qui puise mon eau m’a rappelé plus d’une fois que je dois lui donner mon IPOD (pour lui, je l’ai placé UNE fois). Il serait aussi normal pour plusieurs que je leur laisse en quittant mon ordinateur. Ils vont ploguer ça où?
Soit j’exagère, soit j’ai les traits d’une proie facile, mais « Issa gam mbrike? » (on va faire comment?) Je le répète, ça n’est pas la majorité, loin de là! Et c’est sûr qu’ils sont moins insistants que les itinérants du centre-ville à Montréal. Mon amie Ruth a lu quelque part que pour l’Africain, le fait de demander est souvent normal et pas déplacé. Il te partage sa culture ou t’aide à trouver la tomate au marché, tu lui donnes l’argent, c’est simple… (peut-être aussi un peu simpliste comme explication). On dit également que le blanc, le missionnaire, le touriste et toutes les ONG qui envahissent le continent se plaisent à jeter à tous vents bonbons et billets qui contribuent à entretenir le mythe du « Nasara » plein aux as. Il faut vivre avec cette réalité et savoir tracer ses propres limites. Serge le gentil doit se montrer radin quand il le faut, il n’en retirera que de solides amitiés.
Voilà c’est dit! J’espère que cela ne ternira pas l’image angélique et pastorale de mon petit Moutourwa. Si cela nuit, je m’en voudrai d’avoir été trop bavard, car :
A jidam a dirwad a mi hiri ngi mutuha ta.
(On ne monte pas au grenier sous le regard d’un orphelin)
Le grenier est le lieu où on garde les vivres. On lance ce proverbe quand on te trouve avec quelque chose et que l’on te demande de partager.
Oups! Un petit aparté rigolo : Ruth assistait à un mariage d’une camerounaise avec un ancien volontaire anglais le weekend dernier. Elle a trouvé le maire qui célébrait à l’hôtel de ville très drôle dans ses questions aux futurs époux :
MAIRE -Mademoiselle, c’est un mariage d’amour ou de visa?
MADEMOISELLE –Un mariage d’amour!
MAIRE – Bravo! Vous êtes l’exception. Monsieur, c’est un mariage d’amour ou touristique?
MONSIEUR – Un mariage d’amour!
MAIRE - Bravo! Vous êtes l’exception…
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