samedi 5 mars 2011

MERCI…


Je suis à Montréal depuis deux jours. La vie camerounaise est suspendue pour moi. Ma plus grande séparation s’est vécue à Moutourwa. Comment quitter un village qui m’a donné deux ans de bonheur? La soirée précédant la déchirure, j’ai bu mon dernier Bil avec mon ami Christophe et sa famille. On était assis dans le noir avec nos calebasses; ça reniflait même si personne n’avait la grippe… À un moment, mon ami Yougouda est arrivé; il avait manqué ma visite de l’après-midi chez lui.
Le jour du départ, il s’est passé deux choses cocasses – ou étranges, selon votre goût.
Primo, le matin, alors que j’avais mis l’eau à chauffer pour un dernier café, le feu s’est éteint, la bombonne de gaz a craché sa dernière flamme. Je savais la réserve à sa fin, mais quel « timing »!
Secundo, sur la route vers Maroua, Aziz (le chauffeur de mon ONG – ils viennent nous chercher avec nos malles quand on quitte pour de bon) me dit qu’il fera un détour par un village à trois km de la route principale, question de prendre du bois. Il me dit que le village, c’est Moulva. Je suis estomaqué! Moulva est le seul village de l’arrondissement de Moutourwa (il y en a une quarantaine) que je n’avais pas visité. J’avais tenté de m’y rendre à deux reprises mais sans succès. Laissez-moi vous dire que j’étais content.
Le hasard ou la sorcellerie nous fait de ces surprises!
Je continue en glissant des extraits du mot prononcé lors de la fête avec les gens de la commune, le 23 février :
« Bon après-midi à tous. Demain, je vais quitter l’arrondissement de Moutourwa, Extrême-Nord Cameroun, après deux ans. Je suis arrivé du Canada sans attente, mais je repars rempli…
• Rempli d’avoir découvert une communauté accueillante et intéressée à partager avec le « Nasara ».
• Rempli d’avoir trouvé des femmes fortes et dévouées pour l’avancement des populations.
• Rempli d’avoir constaté combien les gens sont riches au niveau culturel; on connait souvent ici 3 ou 4 langues; on côtoie sans grande tension des peuples différents.
• Rempli d’affection donnée simplement et gratuitement. (…)
Quand j’arriverai dans mon village, je témoignerai combien les gens se battent pour survivre, et combien ils gardent la tête tournée vers l’avant.
La sagesse africaine pour moi est trop riche. Il ne faut pas douter de la force des petits qui peinent avec la houe. Il faut les regarder bien et les écouter : ils savent comment lutter et trouver un peu de repos.
Merci Moutourwa pour les sourires de tes enfants, pour la force de tes femmes. Merci Moutourwa pour ta tradition profonde. Merci Moutourwa de m’avoir accueilli comme l’un des tiens.
Ma voisine dit toujours qu’il y a seulement les montagnes qui ne se rencontrent pas. »
J’ajoute enfin le message texte que j’ai transmis de Yaoundé aux amis le jour du départ : « Moutourwa dans mon cœur pour toujours. Zikam ndra so!(Restons dans la paix!)
En terminant ce blog, je dis merci à vous qui m’avez accompagné et soutenu de vos pensées pendant ces jours heureux. Merci à celles et ceux qui se sont « membré » comme amis fidèles.
Dernier article du blog www.doudouaucameroun.blogspot.com,
Fait à Montréal, le 4 mars 2011
Serge
sdouce7@gmail.com

jeudi 24 février 2011

Ça sent la fin...






Je l’ai fait! Dimanche le 20 février, j’ai convié les voisins et les amis à une petite fête à la maison, question de souligner mon appréciation envers eux pour ces deux années de bonheur.
La préparation m’a un peu « dépassé », mais heureusement, les amies Anna, Doudou et Nama ont pris dans leurs mains féminines la gestion de la cuisine.
Le matin, je suis allé avec Christophe au marché de Titing pour acheter une chèvre. Quinze km à moto avec un animal qui crie et qui gigote sur les genoux, ça réveille le villageois en moi.
Vers 13h, l’animal s’est transformé en bouillon, le vin est arrivé (un bidon de 60 litres de bilbil). Sylvain a parti la musique et on a attendu les invités. Vers 16h, on commençait à manger, à placoter et à danser. Le vin et le « oyoro » (jus de la fleur d’oseille) ont désaltéré les petits et les grands. Les grands et les petits qui avaient attaqué le vin sont partis les derniers.
J’ai aussi fait un petit discours qui m’a serré la gorge. Une vieille maman m’a bien ému en m’offrant un plat de croquette, elle qui n’a presque rien. Une autre, absentée, est venue le lendemain matin pour me saluer. Vraiment, les gens ici sont trop attentionnés.
Il faut vous dire que mon prochain article sera peut-être mon dernier, et peut-être en plus illisible. Les larmes du départ vous savez…

mercredi 9 février 2011

Baha Christoph a muc le (le papa de Christoph est mort)

Christoph a fait un rêve dans la nuit de lundi à mardi : il était au marché hebdomadaire avec les amis; tout le monde a quitté subitement, il est resté seul et s’est mis a pleuré…
Ce mardi, j’étais au marché, je buvais le vin avec ma collègue volontaire et les gars du quartier, au stand de Doudou, la sœur de Christoph. À un moment, je me retourne et demande pourquoi Doudou a quitté soudainement. On me dit que son père est malade, et même qu’il est peut-être mort. Je pars alors vers chez Christoph, et je découvre que l’on avait dit vrai : Baha Christoph était parti depuis une heure environ. Tout se bouscule dans la concession : d’un côté les hommes qui creusent la fosse, de l’autre les femmes qui pleurent et crient pendant que d’autres hommes préparent le défunt. On emballe le corps dans une natte et on l’enterre. Les femmes continuent à pleurer et crier jusqu’à la tombée de la nuit.
J’amène les petits de la famille manger de la bouillie à proximité. Au retour, je me faufile sur la natte des femmes jusqu’à Dada Blandine; elle est couchée là, épuisée. Je lui prends la main, on reste tranquille, sans dire grand-chose…
On est aujourd’hui mercredi. Je suis allé au deuil ce matin. Une cinquantaine de personnes ont passé la nuit dans la concession de Baha Christoph, autour de petit feu pour se tenir au chaud. Ce sera comme ça quelques jours. On fera alors le vin pour un dernier adieu…
Merci de penser à Christoph et à sa famille aujourd’hui.

LE MOULIN DE LALANG, ÇA CONTINUE!






Vous vous rappelez le « moulin à écraser » des femmes de Lalang? On l’a inauguré en septembre dernier, avec la complicité des femmes « Canadian » et sous l’objectif attentif de Sylvie Trépanier, amie photographe. Elle a réalisé un reportage et un album photo formidable qui retracent le beau projet de ces femmes vaillantes. Il y a une semaine, une boîte magique nous arrivait de Montréal, avec quatre de ces albums et les DVDs. Il n’en fallait pas plus pour que les femmes et le conseiller municipal planifient un gros party au village, entre autre pour dire « merci ».

Samedi, on s’est donc donné rendez-vous à Lalang. Pour l’occasion, chaque femme de l’association avait fait confectionner un ensemble avec le même pagne (tissu); j’avais la chemise assortie. Après les discours, les remises de cadeaux, un peu de danse, un peu de bouffe et de bilbil, on s’est rassemblé sur la place de la chefferie, pour un visionnement nocturne de la vidéo de Sylvie. La foule était en délire; ils étaient donc contents de voir de si belles photos de leur village et de ses habitants.

Comme ce projet mérite à être cité en exemple, on avait invité un groupe de femmes de d’autres villages pour qu’elles soient encouragées et inspirées. Dans le même car nolisé, des amis volontaires étaient venus fêter avec nous.

Allez voir ce bijou de reportage sur le site de Sylvie, www.stphoto.qc.ca.

Enfin, disons que cette soirée marque le début de ma sortie imminente de Moutourwa et de l’Extrême-Nord… Si cette soirée est garante de ma fin de séjour, ça augure « super »! Merci aux femmes de Lalang et à Sylvie!!!

vendredi 7 janvier 2011

MUGUZLUM A CUW LE KUY KUY (LA FÊTE S’EST PASSÉE TRÈS BIEN)





Mon ami Frank m’a dit « C’est pas nouveau! », quand je lui ai confié que les fêtes 2010 ont été bien arrosées. C’est vrai Frank que je suis festif de nature, mais le Cameroun décuple ce côté de moi… « Ce doit être la sorcellerie! »
Le 24 décembre, moi, mes amis Sylvain, Anna et Steffen avons atteint le petit village de Douroum, dans les montagnes. Promenade, bil bil avec les paysans –qui boivent le liquide à deux, bien collés -, souper dans notre campement avec vin en boîte et whisky en sachet. Ensuite, on s’est dirigé vers un groupe qui dansait autour d’un tamtam. Les seuls blancs de la petite foule initiale a fait grossir celle-ci bien vite. Après une centaine de tour autour du tamtam et quelques calebasses de bil, on a poursuivi notre cavale, un peu étourdi (à cause de la danse, pas du bil), vers des cabarets ou il y avait danse, bilbil, danse et bilbil. Je suis rentré dormir à 6hre du mat. Retour à Maroua le 25, dans un état végétatif avancé.
Le 31 décembre, Sylvain et Anna m’ont visité à Moutourwa. Ma collègue Doudou a préparé deux canards succulents, avec la boule de mil rouge. Wow! On est allé ensuite avec Djidda danser un peu. On a aussi bu deux ou trois peu. Le premier, bilbil chez ma voisine Rosalie, repas chez Bolé de Moussourtouk, viande chez Aminou. Le deux, poulet chez Yuguda.
Vous voyez, les fêtes ici ou au Canada, ça se ressemble. La grande différence, c’est qu’au Cameroun, on ne risque pas de tomber endormi saoul dans un banc de neige… et on boit trop à cause de la sorcellerie. Voilà!
p.s. Hier soir, j'ai pleuré pour la première fois en pensant au départ...(je n'avais pas bu!)

vendredi 17 décembre 2010

RESTER COMME ÇA, TRISTE, C’EST PAS BIEN!




Je ne devais pas écrire cette semaine, je ne sentais rien d’inspirant. Mais il arrive des petits moments qui donnent de la couleur au quotidien. C’est pas grand-chose mais je vous le raconte.

Je suis rentré de la commune vers midi. Là-bas, c’est un peu tranquille; la grande partie de mon travail est déjà passé avec eux. J’étais donc à la maison, à ramasser la saleté sur le terrain avec Bolé, un petit voisin (petit de vingt-sept ans). Après le travail, j’étais assis sur ma véranda, un peu gelé par le soleil et le temps qui passe. Ma voisine Djabou, me voyant là depuis un bout m’a dit alors : « Serge, tu fais quoi, assis comme ça avec la tristesse. »
-« Je ne suis pas triste, je me repose. »
-« Non, tu es triste. Rester comme ça à être triste, ce n’est pas bien. »

J’ai dit non, mais elle avait un peu raison. J’étais dans un petit moment de tristesse, et comme tout se lit sur mon visage…

Après cela, j’ai envoyé Bolé chez une voisine qui avait préparé le vin. Au dire de Bolé, ce vin dépasse la CASTEL (la Molson du Cameroun). Bolé est venu avec un sceau de vin de 300francs (75cents), et on a bu ça avec Djabou et les autres. Comme Djabou avait fait griller le coq, j’ai mangé avec eux, sans cérémonie.

Comme vous voyez, mes moments de tristesse ne sont jamais bien longs. Mais je vais vous dire, il faut écouter Djabou : rester assis là avec sa tristesse, ce n’est pas bon!

P.S. Moi et Sylvain sommes allés avec Jacqueline et ses enfants samedi dernier cueillir le coton dans leur champ. C’est la seconde année que j’y vais : toujours aussi plaisant avec eux!

vendredi 10 décembre 2010

COULEURS D'AUTOMNE





Pour un bout de temps, les photos que je publierai sont celles que mon amie Sylvie (www.stphoto.qc.ca) a prise lors de son séjour à Moutourwa en août dernier. Voici un hommage au mil rouge, qui sert à la nourriture, et aussi à la confection du vin pays, le BilBil...