lundi 25 janvier 2010

JE RESTE OU JE PARS?


J’ai lu un beau livre sur le sacré chez les Guizigas, écrit par un missionnaire aujourd’hui décédé, « L’EUCHARISTIE DU MIL ». Il relatait le moment ou il s’était installé dans un petit village, à la demande de Masimike, grand prêtre traditionnel de ce lieu. Masimike disait que les jeunes avaient besoin d’une parole nouvelle, que la vie du village et ses traditions ne leur suffisait plus.

Les gens de ce coin de terre en ont donc vu passer des porteurs de bonnes nouvelles. Que ce soit au niveau de la religion ou de l’aide internationale, il y a toujours ici une voix pour dire ce qu’il faut faire pour se « développer ». En fait, on a tellement dit aux gens ce qui est bon et on a tellement « donné », que l’image de l’étranger s’est couvert d’un voile de sauveur et de super brillant. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on me lance un « Ah! Vous le blancs, vous êtes fort! ». Ça me fait beaucoup de peine; c’est comme si l’action extérieure sur l’Afrique avait enlevé tout autonomie au gens et avait créé un état de dépendance et l’habitude à profiter de tout ce qui peut tomber de la poche du « Nassara ».

J’ai lu un article où une économiste africaine disait que l’aide internationale devrait se retirer de l’Afrique et laisser celle-ci trouver sa voie. Parfois je crois qu’elle a raison, parfois je ne sais trop ce qui se passerait sans l’aide, avec les gouvernements corrompus que l’on voit passer… Il n’y a pas de solution facile. Aussi, si je prenais au sérieux la proposition de l’économiste, je devrais partir…J’pas sûr!

En fait, la qualité de notre action dépend toujours de l’attitude que l’on adopte. On peut se comporter comme un colonialiste qui vient dire ce qu’il faut faire, parce que ici, on ne saurait pas. On peut aussi prendre l’approche « missionnaire traditionnel » qui vient « aiiiider » les pôôvres petits africains.
Moi je préfère essayer simplement de m’intégrer à la communauté dans laquelle on m’a assigné. À la commune (municipalité), je ne fixe pas d’objectifs trop ambitieux, j’essaie de faire de mon mieux. Comme me suggère Marceline (ma coordo), il faut « pousser » un petit peu, en espérant que c’est dans le bon sens…

Parlant de pousser, est-ce que je vous avais dit qu’une des chêvres du voisin avait attaqué mon manguier; il s’est vu diminué presque de moitié. Heureusement, après les bons soins de Rostin durant mon congé des fêtes, –il a arrosé l’arbre deux fois par jour- de nouvelles feuilles sont sorties en « masse ». Moi et Rostin avons aussi renforcé la clôture. La chèvre est morte. Je voudrais que ce soit sa punition, mais non, c’était prévu qu’elle soit préparée pour une fête de famille. Bien fait pour elle! Quand même!

mercredi 13 janvier 2010

ANNÉE DE BONTÉ


Comme je me sens un peu « déblogué », je ferai lecture de mon agenda des dernières semaines.
J’ai fêté Noēl à Moutourwa, avec les gens que j’aime. Avant la messe je suis aller voir Bryé Marie, la mère de mon ami Yougouda. Elle a perdu sa fille d’à peine trente ans le 23 décembre. Elle est assise sur la natte, à l’entrée de son boucarou, avec ses sœurs : elle reçoit depuis la veille les condoléances. Bryé Marie si joyeuse d’habitude est méconnaissable de tristesse. Sa fille laisse deux enfants qui se retrouve sous la coupe maintenant de la Didé : le garçon de 13 ans est orphelin de père et de mère; la petite de 6 ans a encore son paternel. Yougouda et sa famille sont voisin de Bryé Marie, elle aura du soutien. Je laisse des bonbons et des œufs pour Noēl…
Après la messe, je commence une tournée avec mon ami Christophe. Départ à moto vers le village de Mordok, visiter la famille. Chez l’un, on goûte la viande séchée, chez l’autre le bœuf préparé et le vin de mil(Billi billi). De retour à Moutourwa centre, on fait un saut chez Bernadette Saraou (la maire adjointe), qui nous a gardé le canard braisé, le pigeon et le manioc. On ne quitte pas sans boire un peu le Billi billi. Enfin chez Christophe, Doudou et Dada Blandine m’offrent le meilleur canard. Il fait presque nuit.
Près de la chapelle catholique, il y a la danse traditionnelle. Je sautille un peu des épaules avant de rentrer ronfler mes calebasses de vin local (hic).
L’après Noēl se passera dans le sud du pays, avec les autres copains volontaires : les plages de Limbé et Kribi, un peu de Yaoundé et retour en train et bus : 30 heures de route au total.
En rentrant au village, je distribue les 144 mandarines achetées par la fenêtre du train aux voisins et amis. Plusieurs goûtaient pour la première fois à ce fruit si commun dans le sud camerounais, mais rare et cher dans l’Extrême-nord. Je passe chez Yougouda et Bryé Marie. Elle est toujours accablée. Yougouda lui dit que ce n’est pas bon de réfléchir : « elle réfléchit trop », qu’il me répète. J’apprend alors qu’elle a perdu son grand frêre le 1er janvier. Y’a de quoi réfléchir.
C’est le 12 janvier. Comme on dit ici, il n’est jamais trop tard pour souhaiter la bonne année ou pour offrir ses condoléances. Bonne année 2010 à vous qui me supporter par votre coup d’œil à ce blog. Je fais appel à votre bonté pour une pensée pour Bryé Marie. Merci!

LE TEMPS FILE (OU COURIR EN AFRIQUE)


Voici un sujet moins exotique que les précédents: la course au temps et la course à pied. À mon grand étonnement, le temps que j’anticipais paresseux, se montre ici très vite. Avec dix mois de présence, je vous dis, le temps ne se voit pas passer…il file! Bien entendu, on y fait moins allusion et il est même un peu élastique. Les réunions commencent rarement à l’heure, et un « on se voit tantôt » peut dire autant dans 30 secondes que dans deux jours. Beaucoup n’ont pas de montres, et le soleil est leur cadran.

Je me suis mis également à travailler le sens propre du mot « courir ». Je reviens d’une belle randonnée autour du « Muwa Merked » (le Mont Six), au pas de course. C’est la deuxième fois cette semaine, et laissez moi vous dire que c’est BON. La route ou sentier est en terre, on passe au travers deux beaux petits villages, Tahaī et Ganaha : ça peut faire un bon six kilomètres de bonheur.
La première fois, j’étais avec mon voisin Henri. On s’est arrêté à Ganaha. On a regardé des jeunes fabriquer des « secos », ces murs de pailles si jolis, sous les consignes d’un vieux du village. Un peu plus loin, une vieille écrasait des fruits sauvages séchés; j’ai goûté, ça ressemble à des produits « grano », « genre » abricots écrasés. Bien sûr, chauvinisme camerounais oblige, je vous dirai que ce sont les meilleurs produits grano du monde.
La seconde fois, c’était il y a quelques heures. J’étais seul, courant à mon rythme de vieux pépé. J’ai presque complété sans arrêt. Si je reste « focus », je garderai et améliorerai la forme.
Vous venez courir?… OK! On se rejoint près de chez Henri, « tantôt ». ;)