vendredi 28 août 2009

CE N’ÉTAIT QU’UN RÊVE? (ou Vive Céline Dion!)


J’ai toujours eu des rêves récurrents (pas le récurrent pour nettoyer) au cours de ma vie et je crois que l’un d’eux se réalise ici.
Je me retrouve dans mon village en gaspésie. J’ai l’âge que j’ai aujourd’hui, mais je suis dans le bus pour la polyvalente. Je panique un peu, qu’est-ce que je vais faire au milieu de kids. Là je me dis : « je dois me trouver un travail; comment se fait-il que je retourne en arrière dans ma vie; où est mon logement de Montréal; je n’ai pas décidé cela, etc. » À ce moment, je soupçonne le rêve et j’ouvre les yeux. Mais y’a rien à faire, on descend la côte de la « North branch ». J’ouvre les yeux un peu plus fort, et « ouf!», mon logement la rue Sherbrooke apparaît. «Ouf! Ouf!»
N’allez pas croire que retourner dans mon village est un cauchemar, mais quand on a l’impression d’avoir été « téléporté » sans son consentement, ça ébranle.
En pensant à ces films nocturnes l’autre jour, j’ai fait le lien avec mon village Moutourwa. Je pourrais affirmer que ce séjour est un genre de…revisitage de mes expériences passées, une sorte de reconnection avec mes racines, une psychothérapie inconsciente..., une nouvelle recette en canne pour le bonheur, ou quoi encore!
C’est certainement pas trop important d’analyser, mais je peux dire que je suis assez content des séquences de ma vie. Je me sers ici de ce que j’ai appris dans mes différents emplois, je suis ici ce que je suis devenu par mon éducation, mes rencontres et mes expériences personnelles. J’aurais, on ne sais pas, peut-être fait un aussi beau séjour dans mon village natal, mais Maman, que veux-tu, c’est le sorcier de l’Afrique qui m’a entraîné en brousse.

Parlant de brousse, je suis allé en montagne dimanche dernier. J’y ai mangé des espèces de grosses merises (un peu sûrette), des « kucukuroy muwa » sont passées devant nous (poules de montagnes) et un singe nous épiait à quelques cinquante mètres. On voyait les champs et villages environnants, avec les terres parsemées de rares arbres. Je dis ‘rares’ pas parce que la nature est ingrate, mais parce que un de ses habitants a la fâcheuse habitude de tout arracher, sans remettre en place. On plante un peu, mais ça prendrait beaucoup de « peu » pour que le mot brousse donne un peu d’ombre à l’humain qui l’entoure.
Quo cé qu’vous voulez que le gouvernement fasse avec ça? « Diguidou! »

Ki wun li ta na, ki bi ta.
(Tant que tu n’as pas passé la nuit, ne dis pas que tu passeras la nuit.)

On lance ce proverbe guiziga à celui qui prévoit trop d’action dans l’avenir, risquant de se désengager du présent. Soucie-toi du présent car le futur ne t’appartient pas.

vendredi 7 août 2009

SEKVOU A RACONTÉ…UNE HISTOIRE


Ma soeur n’aimera pas que je lui rappelle notre voyage vers le village familial il y a un an peut-être, lorsque je m’extasiais devant le paysage du bas du fleuve. Je disais constamment : « France, ma mort est proche, c’est tellement beau! »

Je pourrais dire cela de mon aventure d’aujourd’hui, avec Sekvou et les enfants du quartier Yuwa (aventure durant laquelle France m’a justement appelé).

Voyez-vous, à côté de mon travail, je me suis dit que j’allais faire des petits projets qui me font plaisir, et l’aventure des contes en est un. J’avais découvert sur internet avant de partir un organisme québécois qui fait la promotion de la lecture chez les enfants, en incitant des groupes de petits à fabriquer des contes qui seraient diffusés dans le monde. J’ai contacté cet organisme et voilà ce à quoi nous travaillons.

Un jeune professeur de Moussourtouk, Benoît Sekvou, a rassemblé des enfants dans différents villages, et leur a demandé d’aller voir des vieux pour qu’ils leur racontent des légendes et des histoires issues de la culture Guiziga. Après quelques jours, les enfants sont revenus. Sekvou les a écouté discourir sur leurs découvertes, et a ensuite transposer cela dans de petits textes. Ces contes seront illustrés par d’autres enfants d’ici ou du Québec. Par la suite, ces documents seront mis en page gratuitement par l’association, offrant un matériel pouvant être imprimé pour faire des livres ou des affiches, ou encore être monté dans un coffret CD. Tout sera bilingue…j’entend bien sûr français/guiziga.

Cet avant midi, j’ai accompagné Sekvou à Yuwa, où Yuguda (mon prof de guiziga) avait rassemblé quatre jeunes du quartier. Ils se sont mis chacun leur tour à raconter ce que les vieilles leur avaient confié. Vous auriez dû les entendre. Ils ont ici le sens de la transmission orale très développé. Ils relataient les contes cueillis avec moult détails et les autres camarades suivaient, bien attentifs. Les quatre enfants ont rapporté six aventures souvent drôles et bien différentes des livres gentils pour enfants de chez nous.

On avait pensé faire cinq petits contes, mais devant l’abondance de matériel, on va doubler la mise.

France, ma mort n’est pas proche mais le paradis nous visite parfois…

samedi 1 août 2009

DJIDDA CHRISTOPHE EST UN PEU MALADE


Je rentre du stationnement (le centre du village); je viens de laisser Christophe qui doit se reposer un peu. Il va mieux aujourd’hui, il est venu me visiter.Je devrais déjà être au lit (il est 21h50), mais j’ai trop envie de vous partager la semaine de Christophe. Djidda Christophe, si vous vous rappelez, est le volontaire national qui a commencé le travail à la commune avec moi, mais qui a dû laisser car ses études à l’école normale de Maroua lui demande tout son temps.
Depuis une semaine, il est au village car la maladie l’a frappé « bien ». Un bon palu (malaria) doublé de trouble gastrique (évolution gastrique?) ont fait perdre au petit plusieurs kilos et lui ont donné un air bien inquiétant. Comme le palu et autre maladies ici sont souvent causés par une eau non traitée et bourrée de bactéries, je me suis dit que je pourrais le soutenir sur ce point. Je lui ai proposé d’apporter des bouteilles d’eau de la maison (l’eau du village mais passée au filtre fournit par mon ONG).
Mes visites régulières à la concession familiale de Christophe m’ont enchanté. Je connaissais déjà sa famille. Son papa vit avec la mère de Christophe depuis toujours, ils ont eu quatre enfants. Il en a cinq autres, avec autant de femmes différentes je crois. Elles sont passées, elles sont installé un temps puis ont continué leur chemin. Le père de Christophe exerçait le métier de maître boucher, ici très populaire auprès des femmes.
Au cours de mes visites donc, j’ai aimé prendre le temps de m’asseoir et de discuter lentement avec les sœurs et la mère de Christophe, pendant qu’elles préparaient soit les sauces avec les feuilles sauvages, soit le vin de mil pour vendre au marché. La maman, Dada Blandine (comme vous Madame Sweetman!) me dit constamment « Sise Serge, Sisse hadi ». Elle me remercie avec ce regard de mère qui s’inquiète pour son garçon. J’ai su ce soir qu’elle a perdu il y a neuf ans son premier fils : il avait trente-deux ans. Encore aujourd’hui, elle ne peut voir une photo de lui sans pleurer. Comme Djidda est maintenant l’unique garçon, il rassure constamment la maman en lui disant que ça va bien.
Je trouve ces histoires toujours touchantes. En fait ce genre de situation se passe partout mais comme je flotte une peu ici, j’ai l’impression d’y être plus sensible.
Bon, je dois aller au lit. Avec vos prières et vos pensées, Christophe va retourner bientôt à ses cours.