vendredi 18 décembre 2009
ZIKAM NDRA SO! (Restez dans la paix!)
« C’est la fête bientôt! Il faut acheter les habits pour les enfants. » C’est une phrase que j’entend régulièrement ici. On parle peu de cadeau pour Noēl, on pense plutôt aux vêtements neufs, ce qui n’est pas bête. Le 25 décembre, on partagera une partie du repas avec le voisinage, on boira la bière de mil (pour ça c’est Noēl tous les jours), on dansera à l’église.
Une bonne partie des volontaires est déjà en route vers le sud, pour découvrir le Cameroun du bord de mer. J’ai hésité, puis ai décidé de passer le 25 au village. Je partirai à mon tour le 27 environ. La mer c’est la mer…
À vous qui me lisez, je ne sais trop comment vous souhaitez le bonheur d’un Noēl joyeux et paisible. Simplement acceptez donc ces petits moments de bonheur qui ont traversé ici mon quotidien:
-J’ai vu Doudou vers 16hre à l’hôpital avec sa Yasmine de 9 mois. Après 3 jours de diarrhée, le mal s’en va et la petite retrouve le sourire. Doudou me sourit aussi quand je lui laisse une grosse papaye pour se désaltérer.
-Tristel, une autre petite de Doudou, me séduit chaque fois qu’elle me lance « Serge Ndra » -Notre Serge à nous.
-Hier chez mon ami Yougouda, sa vieille mère Briyé Marie m’a fait une belle danse d’épaules, en me chantant un quelconque refrain guiziga.
-Je vous le radote, mais le Lawane de Murdok m’a touché quand je me suis déplacé en brousse pour le rencontrer, et qu’il ma dit que si il était à la maison, il égorgerait un poulet pour me remercier.
Depuis que je suis au Cameroun, vous vous dites sûrement « Mais il a touché le Christ ou quoi? » C’est vrai que je n’ai pas laissé suinter beaucoup de négatif sur ce blog, mais c’est parce qu’il n’y en a pas vraiment. J’en remercie le ciel, et vous qui me soutenez… Si vous traversez des moments difficiles, sachez qu’il y a un ami qui pense à vous, dans un village de l’autre côté de l’océan.
ZIKAM NDRA SO!
mercredi 9 décembre 2009
UN 1er DÉCEMBRE AU MARCHÉ
Nous avions reçu 77 000FCFA pour organiser un événement au marché public de Moutourwa, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre le VIH/SIDA. Avec d’autres volontaires, avec les jeunes du club santé du Lycée, avec une équipe de dépistage de la maladie et avec des jeunes comédiens amateurs, on s’était donné un beau programme comme je les aime : un peu chargé…
Je faisais office de coordonnateur et je m’en suis donné à cœur joie. Mon slogan : « Il faut que ça roule! » En général, la journée s’est bien passée, malgré les retards de quelques heures pour plusieurs participants. Au menu : sketches ambulants, distribution de dépliants et de condoms, causeries, animation et test de dépistage gratuit; le tout accompagné de musique et de danse.
Le VIH/SIDA en Afrique, c’est 22 000 000 de personnes infectées (presque les 2/3 du total mondial). La lutte contre cette maladie a profité d’énormément d’argent dans le passé. Une partie de ces sous a servi, une partie fut mangée… Avec la fonte des subventions, les organismes les plus solides sont restés : on fait quand même de belles choses pour prévenir ou pour soutenir les personnes vivant avec cette réalité.
L’activité qui m’a le plus impressionné est le test de dépistage. 175 personnes se sont présentées au hangar pour la prise de sang; 30 minutes plus tard, ils recevaient le résultat de la bouche d’une intervenante, le plus confidentiellement, sous l’arbre près du hangar. Avec moi, le prochain événement du genre sera mieux encadré. Le côté technique roulait bien, mais le volet counselling manquait peut-être de profondeur…(trop peu de ressources humaines).
J’étais encore au marché aujourd’hui. Un gars un peu déficient m’a approché pour se rassurer. On lui a dit qu’il était « négatif », et il ne comprenait pas bien si c’était bon ou pas. Vous auriez trouvé trop « cute » son sourire de soulagement quand je lui ai dit que négatif, c’était très « positif ».
Bien sûr, sur ces 175 braves, 5 ou 6 ont découvert qu’ils L’avaient. Comme le tout est un peu confidentiel, je ne saurai pas si ces gens auront un bon suivi, ou si ils en auront même un… Comme on dit souvent ici : « On va faire comment? »
mercredi 25 novembre 2009
PETITES MISÈRES…
Bientôt 21h00. Les enfants du voisinage vont terminer leurs chants traditionnels et le silence va s’installer sur le quartier. Je me promet d’aller m’asseoir avec ces groupes de petits qui presque chaque soir animent les alentours. Comme y’a peu la télé et peu l’éclairage, on occupe les débuts de nuits en se racontant des histoires et en chantant…
Après le travail, je suis passé voir le maire chez lui. Il a un mauvais « palu » et terminait de prendre sa perfusion quand on s’est pointé, moi et Aminou. Il a bien maigri depuis quelques temps; il m’inquiète un peu. On a mangé la boule et la sauce avec lui, on a parlé boulot et on l’a laissé. Je trouve ça triste mais il va s’en sortir; il n’est pas dans la misère…
Petite misère, je te croise quelquefois et ça me chavire l’espace d’un instant. Petite misère quand je vois la vieille maman revenir de la brousse avec le tas de bois sur la tête : elle a marché peut-être dix kilomètres sous un soleil de plomb. Elle est en sueur et tombe presque quand elle s’assoit par terre après avoir déposé son fardeau.
Petite misère quand je m’approche bêtement d’un joli boucarou dont le toit est chargé de légumes et d’oseille qui sèchent. Je veux la permission de la vielle assise par terre (pas celle de la brousse) pour prendre une photo. Elle m’accueille en souriant et veut se lever, mais sa cheville enflée comme deux la cloue au sol. Je m’excuse bêtement encore et je la laisse.
La petite misère est surtout ici féminine ou quelquefois petite comme l’enfant qui une fois sur peu, 1 sur 10 ou je sais pas trop, n’atteindra pas deux ans.
Ma seule petite misère qui n’en est pas une, est que je n’ai pas l’eau courante. Mais avec le sourire que je vous offre sur la photo, ma douche extérieure ne semble pas trop m’affecter.
vendredi 6 novembre 2009
CHOLÉRA ET FAITS DIVERS
ALERTE AU CHOLÉRA
Le mot est fort je le sais, mais le choléra rôde depuis deux semaines à Moutourwa… Mardi surpassé, j'étais à Maroua pour le travail. Au retour, le mototaxi Anima m’annonce qu’un jeune vient de mourir à l’hôpital du choléra. Les cloches de l’épidémie se mettent à résonner dans mon « mental »; je me dirige au marché public (qui se tient le mardi à Moutourwa) pour avoir la nouvelle juste. Là, il y a l’ambulance et le médecin chef de l’arrondissement dedans; il me confirme le décès et la façon dont il contrôle la situation (désinfection des puits; distribution de comprimés au voisinage du défunt et sensibilisation aux bonnes pratiques d’hygiène). Je me sens rassuré et offre ma collaboration si jamais il y a besoin. Il y a eu un autre cas le mercredi, mais on l’a pris à temps et sauvé. Aujourd’hui, on annonçait cinq cas(parfois dix) dans le village de Tinting, mais tous sous contrôle. Pour votre info, le choléra est un virus qui se développe facilement dans des endroits insalubres. Comme on est ici en fin de saison des pluies et en intense période de travaux champêtres, les risques sont là. Comme je me lave les mains et filtre mon eau, ne vous en faites pas.
p.s. SI VOUS PERCEVEZ DES TENSIONS DANS LE TEXTE, CE N’EST PAS LE CHOLÉRA, MAIS LES VOISINES DE DERRIÈRES QUI SE DISPUTENT DEPUIS TROIS HEURES ENVIRON. COMME JE NE MAÎTRISE PAS ENCORE BIEN LE PATOIS, LE SUJET DE LA DISCORDE M’EST INCONNU…
DEUILS À LA DOUZAINE
Le mois d’octobre et novembre sont occupés par les nombreux décès. Mme Bernadette, la 2ème adjointe au maire a perdu une sœur la semaine passée, frappée par la foudre, et un frère ce weekend, en visite au village pour un autre décès. Faut dire que Bernadette a souvent des deuils dans sa famille; elle a cent onze frères et sœurs. Son père avait plusieurs dizaines de femmes; elle est la treizième du groupe.
VISITE AUX LAWANES
Avec mon travail, je débute la réalisation des actions choisies à la suite des entrevues et recherches. Le premier mandat est de regarder des façons d’augmenter les recettes provenant des impôts libératoires (taxes municipales). Moi et Aminou (qui a eu un petit Serge : voir plus loin)) avons visité à moto, hier et aujourd’hui, trois Lawanes et le Lamido pour voir ce qui va ou non dans la collecte des impôts. Les chefs traditionnels (le Lamido comme chef de l’arrondissement; les Lawanes comme chef de villages), ont la responsabilité de percevoir les impôts pour la commune et ce n’est pas fait également selon les villages. J’ai adoré ma rencontre avec le Lawane de Mougoudou, qui nous racontait que comme il a la confiance de ses gens, ce n’est pas difficile de récolter l'impôt. C’est vrai car 100% des gens ont versé. Le Lawane de Dourdoum, on l’a trouvé à deux kilomètres dans la brousse, en train de semer son « mosoko ». Il expliquait que les 11 000 Francs CFA manquant, il avait dû les prendre pour cause de maladie, et il les rendra bientôt, sans problème. Il me confit que si il pouvait retourner à la maison, il me donnerait un poulet en guise de remerciement : c’est rare qu’un blanc se déplace jusque dans la brousse pour avoir son opinion… Si il savait combien ces moments me sont précieux, c’est moi qui lui devrait… un bœuf!
LE PETIT SERGE D’AMINOU
Asta, la conjointe d’Aminou, a accouché d’un beau gros garçon il y a quelques semaines. Le travail était un peu long, il n’y avait que la tête de sorti et ça bloquait. Aminou a été inquiété. Le médecin croyait que la césarienne était nécessaire, ce à quoi Aminou a protesté le manque des quatre-vingt-dix milles FCFA requis (150$ Can). Heureusement, l’infirmier a pris la situation en main : il a repoussé l’enfant à l’intérieur, a fait quelques massages sur le ventre de Asta, et proutt!, l’enfant est ressorti « bingo! ». Ce qui m’a un peu gêné par la suite, c’est qu’Aminou a ajouté « Serge » aux quatre ou cinq autres prénoms de l’enfant. Cré Aminou!
P.S.La photo a été prise à la récolte de mes arachides. Ruth, Djidda et Sekvou m'ont aidé à cueillir un GROS quart de sceau...
mercredi 21 octobre 2009
I KIYA NGI CIKA MOSOKO
Octobre est le mois du « karal » ou « mosoko »: le temps de semer le mil jaune. Cette variété de mil est la plus importante ici. À cette époque, il est difficile de mobiliser les gens pour des rencontres. Tout le monde est au champ pour s’assurer de l’aliment de base pour l’année à venir.
Je ne pouvais passer du temps ici sans connaître ce travail. C’est comme si moi qui a grandi avec derrière la maison de mes parents l’érablière de oncle Michel, je n’aurais pas participé au travail lié au temps des sucres… Samedi dernier, j’ai donc accompagné Yuguda, sa femme Jacqueline et deux de leurs enfants en brousse pour planter le mosoko. Je vous raconte la journée.
À six heures du matin, je suis chez Yuguda. Moi et Barnabé attachons sur le vélo des ballots de semis plantés un mois auparavant. On fait environ huit kilomètres en brousse vers Kalaf, ou le champ de la famille se trouve. Rendu là-bas, on met les pousses à l’humidité dans une petite marre, et on attend Yuguda, Jacqueline et Romain qui nous suivent à pied, avec sur la tête d’autres ballots.
Le groupe arrivé, Yuguda commence à faire des trous d’environ trente centimètres de profond avec un bâton de métal, le « buluk ». Romain transporte l’eau de la marre, on rempli le trou d’eau et on insère alors deux pousses par trou, sans refermer avec la terre : les racines prendront d’ici quelques jours. J’ai expérimenté le « buluk ». Waw! Après seulement une trentaine de trous, les bras me tiraillaient; imaginez les gars qui en font des centaines dans une journée.
Barnabé et moi sommes revenus vers 10h30, avant le fort soleil de midi. On s’est arrêté me chercher des arachides dans leur champ un peu plus près du village. Brillé-Marie, la mère de Yuguda, était là à travailler : Barnabé me disait qu’elle passait ses journées complètes en brousse. Faut le faire à soixante ou soixante-dix ans.
Inutile de vous dire que l’on a trouvé bien spécial de voir le blanc au champ ce samedi. Tout les gens rencontrés étaient contents, mais pas autant que moi.
Jusqu’en février, le mil poussera en saison sèche, il a besoin de très peu d’eau. Comme une mauvaise saison de mil jaune rend la situation alimentaire de la famille de l’extrême-nord très précaire; il faut que ça donne!
Au retour, dans l’après-midi, j’ai croisé Yuguda au village. Il me remerciait de les avoir accompagné. Il dit que cela les a aidé (si peu) et que ça l’a touché…
Bon, je m’arrête sinon je vais chiâler. Bisous à tous!!!
jeudi 15 octobre 2009
DONNER OU NE PAS DONNER?
Eh bien voilà! Après tous les bons mots sur mon coin d’Afrique et toutes les fleurs lancées, arrive ce petit pot de fiel. Il est temps, me direz-vous?
Depuis mon arrivée, je me fais souvent aborder avec des demandes qui ne m’agaçaient pas trop au début mais qui à la longue me déstabilisent un peu. Veut, veut pas, le blanc que je représente est associé à moyens et possibilités : moyens financiers et possibilité pour le pauvre de profiter un peu. Il y a quelques enfants qui me lancent « Donnes-moi le bonbon! »; « Donnes-moi l’argent! »; « Je n’ai pas le cahier! » Il y a quelquefois les vieux : « Je n’ai pas le médicament. » Le petit qui puise mon eau m’a rappelé plus d’une fois que je dois lui donner mon IPOD (pour lui, je l’ai placé UNE fois). Il serait aussi normal pour plusieurs que je leur laisse en quittant mon ordinateur. Ils vont ploguer ça où?
Soit j’exagère, soit j’ai les traits d’une proie facile, mais « Issa gam mbrike? » (on va faire comment?) Je le répète, ça n’est pas la majorité, loin de là! Et c’est sûr qu’ils sont moins insistants que les itinérants du centre-ville à Montréal. Mon amie Ruth a lu quelque part que pour l’Africain, le fait de demander est souvent normal et pas déplacé. Il te partage sa culture ou t’aide à trouver la tomate au marché, tu lui donnes l’argent, c’est simple… (peut-être aussi un peu simpliste comme explication). On dit également que le blanc, le missionnaire, le touriste et toutes les ONG qui envahissent le continent se plaisent à jeter à tous vents bonbons et billets qui contribuent à entretenir le mythe du « Nasara » plein aux as. Il faut vivre avec cette réalité et savoir tracer ses propres limites. Serge le gentil doit se montrer radin quand il le faut, il n’en retirera que de solides amitiés.
Voilà c’est dit! J’espère que cela ne ternira pas l’image angélique et pastorale de mon petit Moutourwa. Si cela nuit, je m’en voudrai d’avoir été trop bavard, car :
A jidam a dirwad a mi hiri ngi mutuha ta.
(On ne monte pas au grenier sous le regard d’un orphelin)
Le grenier est le lieu où on garde les vivres. On lance ce proverbe quand on te trouve avec quelque chose et que l’on te demande de partager.
Oups! Un petit aparté rigolo : Ruth assistait à un mariage d’une camerounaise avec un ancien volontaire anglais le weekend dernier. Elle a trouvé le maire qui célébrait à l’hôtel de ville très drôle dans ses questions aux futurs époux :
MAIRE -Mademoiselle, c’est un mariage d’amour ou de visa?
MADEMOISELLE –Un mariage d’amour!
MAIRE – Bravo! Vous êtes l’exception. Monsieur, c’est un mariage d’amour ou touristique?
MONSIEUR – Un mariage d’amour!
MAIRE - Bravo! Vous êtes l’exception…
vendredi 25 septembre 2009
DE BÉBÉS ET DE RAMADAN…
Septembre s’achève sous un soleil qui fait transpirer le 'blanc' qui vous écrit. Les récoltes de mil rouge et d’arachides sont à nos portes et octobre demandera de planter le sorgho (une autre variété de mil). L’air chaud et humide nous amène la goutte au nez; plusieurs voient le palu les visiter. J’ai la chance de prendre le comprimé hebdomadaire qui réduit les risques d’attraper ce virus qui origine d’une piqûre de moustique. Assez parlé de mon moi profond; je vous lance quelques blabla…
ELLES ACCOUCHENT SANS DOULEUR
Les femmes d’ici sont trop comiques quand elles parlent d’accouchement. Mon amie Ruth a reçu plusieurs témoignages. Premièrement la majorité des femmes des villages loin du centre accouchent à la maison, avec l’aide de voisine ou carrément seule. Certaines disent qu’elles ne ressentent pas vraiment de douleur; ce serait pour elles comme aller à la toilette. Ruth était chez une « Peule » (ethnie populeuse: entendre ethnie qui peuple) l’autre jour : la femme, enceinte comme trois, semblait fatiguée. Ruth est retournée quelques jours plus tard et la femme avait accouchée. Elle confiait qu’elle avait accouchée dix minutes après que Ruth soit partie; elle avait envoyé son enfant pour l’avertir, mais elle était déjà loin sur la route. Aussi, les femmes qui vont à l’hôpital y vont souvent à pied ou en moto, elles y restent quelques heures au plus et rentrent.On raconte même que quand l’accouchement approche, les femmes font gaffe quand elles vont au trou (toilette), de peur que le petit ne se montre sans avertir… Ça je trouve que c’est un peu fort!
BARCA DA SALA (Bonne fête!)
Samedi soir, la nouvelle lune est apparue dans le ciel de Mora et on a fait une annonce radio comme quoi le RAMADAM était terminé. Après un mois complet de jeûne (du lever jusqu’au coucher du soleil, pas de liquide ni de solide), c’était la fête dans les familles musulmanes. Près de chez moi, dans un champ face au très beau mont Mesengel, il y avait la grande prière du matin pour tous les musulmans de Moutourwa (ils sont ici peu nombreux). Je m’y suis rendu par curiosité. C’était beau et pieux. Les hommes et les garçons avaient revêtu une gandoura neuve. L’infidèle que je suis était installé à l’arrière, avec les petites filles. Beaucoup avaient les mains et les pieds joliment peints au henné. Les mamans étaient bien sûr à la maison. Elles ne sortent d’ailleurs jamais de la concession une fois mariée, ni pour travailler au champ ni pour autre chose, à moins d’avoir la permission du mari, ou si elles deviennent veuves. Par exemple, la voisine de ma copine volontaire Karine de Bogo (village musulman), une femme d’environ soixante ans, n’est jamais allée de sa vie au grand marché public du jeudi de son propre village…Spécial!Bon, je vous laisse. Il est seulement 15h pour vous au Queneda, mais ici c’est 21h… Mononcle s’endort.
N.B. La photo montre une belle fleur dont j'ignore le nom. Je sais par contre que la tige de cette plante sert de corde pour attacher les branches du toit des boucarous, branches sur lesquelles on dépose la paille tressée.
vendredi 11 septembre 2009
L’HOMME À DEUX FEMMES…OU PLUS!
Je suis un peu embêté par le sujet, ici banal, qu’est la polygamie. On la retrouve partout dans l’extrême-nord, que l’on soit chez les musulmans ou chez les paīens. Les musulmans ont droit à quatre femmes; les paīens, eux, ne se mettent pas de limites. Un chef d’un petit village des monts Mandara en a 40 : faut le faire!
Mme Bernadette Sarao est maire adjoint ici à Moutourwa. Elle s’est convertie à la foi catholique mais est mariée dans le régime polygame depuis longtemps. Elle a deux co-épouses et les trois ensemble ont vingt-quatre enfants (huit chacune). Madame Bernadette s’entend bien avec ses co-épouses et semble confortable dans son mariage. La grande famille reste dans la même concession (chaque co-épouse a son boucarou; il y a des boucarous pour les enfants et un boucarou pour le mari. Notez que même dans les mariages monogames, la femme et l’homme font presque toujours chambre à part : la femme dort avec les enfants.
Mais ici comme chez nous, mariage n’est pas automatiquement connecté à l’amour. On se marie souvent par obligation ou par nécessité et le choix de l’être aimé peut se faire avec de l’aide. De toute façon, la notion même d’amour est très différente sur ce continent. Si on s’entend bien avec son partenaire, tant mieux.
On voit l’importance du couple, ou plutôt de la femme dans le couple dans l’absence de mention par l’homme de son épouse. Je suis toujours choqué quand on visite un homme: jamais il ne nous présente sa conjointe. Il nous montre ses chèvres, ses cochons, son champ et parfois ses enfants. La femme qui prépare et nous apporte l’eau presque à genoux (signe de respect), ce n’est pas la bonne mais l’épouse. Bien sûr, ce n’est pas comme ça dans tous les foyers…
Aussi, le couple est orienté uniquement vers la famille. Les plus traditionnels pensent que plus on a d’enfants, plus on aura de bras pour aider sur la terre. Aussi plus on a de gars, mieux c’est. Il n’est pas rare d’entendre : « J’ai trois enfants (entendre TROIS GARS) et quatre filles. »
…Mais la situation des filles, ça mérite beaucoup plus de lignes, et je dois y réfléchir encore un peu.
n.b.Bernadette est assise au milieu
vendredi 28 août 2009
CE N’ÉTAIT QU’UN RÊVE? (ou Vive Céline Dion!)
J’ai toujours eu des rêves récurrents (pas le récurrent pour nettoyer) au cours de ma vie et je crois que l’un d’eux se réalise ici.
Je me retrouve dans mon village en gaspésie. J’ai l’âge que j’ai aujourd’hui, mais je suis dans le bus pour la polyvalente. Je panique un peu, qu’est-ce que je vais faire au milieu de kids. Là je me dis : « je dois me trouver un travail; comment se fait-il que je retourne en arrière dans ma vie; où est mon logement de Montréal; je n’ai pas décidé cela, etc. » À ce moment, je soupçonne le rêve et j’ouvre les yeux. Mais y’a rien à faire, on descend la côte de la « North branch ». J’ouvre les yeux un peu plus fort, et « ouf!», mon logement la rue Sherbrooke apparaît. «Ouf! Ouf!»
N’allez pas croire que retourner dans mon village est un cauchemar, mais quand on a l’impression d’avoir été « téléporté » sans son consentement, ça ébranle.
En pensant à ces films nocturnes l’autre jour, j’ai fait le lien avec mon village Moutourwa. Je pourrais affirmer que ce séjour est un genre de…revisitage de mes expériences passées, une sorte de reconnection avec mes racines, une psychothérapie inconsciente..., une nouvelle recette en canne pour le bonheur, ou quoi encore!
C’est certainement pas trop important d’analyser, mais je peux dire que je suis assez content des séquences de ma vie. Je me sers ici de ce que j’ai appris dans mes différents emplois, je suis ici ce que je suis devenu par mon éducation, mes rencontres et mes expériences personnelles. J’aurais, on ne sais pas, peut-être fait un aussi beau séjour dans mon village natal, mais Maman, que veux-tu, c’est le sorcier de l’Afrique qui m’a entraîné en brousse.
Parlant de brousse, je suis allé en montagne dimanche dernier. J’y ai mangé des espèces de grosses merises (un peu sûrette), des « kucukuroy muwa » sont passées devant nous (poules de montagnes) et un singe nous épiait à quelques cinquante mètres. On voyait les champs et villages environnants, avec les terres parsemées de rares arbres. Je dis ‘rares’ pas parce que la nature est ingrate, mais parce que un de ses habitants a la fâcheuse habitude de tout arracher, sans remettre en place. On plante un peu, mais ça prendrait beaucoup de « peu » pour que le mot brousse donne un peu d’ombre à l’humain qui l’entoure.
Quo cé qu’vous voulez que le gouvernement fasse avec ça? « Diguidou! »
Ki wun li ta na, ki bi ta.
(Tant que tu n’as pas passé la nuit, ne dis pas que tu passeras la nuit.)
On lance ce proverbe guiziga à celui qui prévoit trop d’action dans l’avenir, risquant de se désengager du présent. Soucie-toi du présent car le futur ne t’appartient pas.
vendredi 7 août 2009
SEKVOU A RACONTÉ…UNE HISTOIRE
Ma soeur n’aimera pas que je lui rappelle notre voyage vers le village familial il y a un an peut-être, lorsque je m’extasiais devant le paysage du bas du fleuve. Je disais constamment : « France, ma mort est proche, c’est tellement beau! »
Je pourrais dire cela de mon aventure d’aujourd’hui, avec Sekvou et les enfants du quartier Yuwa (aventure durant laquelle France m’a justement appelé).
Voyez-vous, à côté de mon travail, je me suis dit que j’allais faire des petits projets qui me font plaisir, et l’aventure des contes en est un. J’avais découvert sur internet avant de partir un organisme québécois qui fait la promotion de la lecture chez les enfants, en incitant des groupes de petits à fabriquer des contes qui seraient diffusés dans le monde. J’ai contacté cet organisme et voilà ce à quoi nous travaillons.
Un jeune professeur de Moussourtouk, Benoît Sekvou, a rassemblé des enfants dans différents villages, et leur a demandé d’aller voir des vieux pour qu’ils leur racontent des légendes et des histoires issues de la culture Guiziga. Après quelques jours, les enfants sont revenus. Sekvou les a écouté discourir sur leurs découvertes, et a ensuite transposer cela dans de petits textes. Ces contes seront illustrés par d’autres enfants d’ici ou du Québec. Par la suite, ces documents seront mis en page gratuitement par l’association, offrant un matériel pouvant être imprimé pour faire des livres ou des affiches, ou encore être monté dans un coffret CD. Tout sera bilingue…j’entend bien sûr français/guiziga.
Cet avant midi, j’ai accompagné Sekvou à Yuwa, où Yuguda (mon prof de guiziga) avait rassemblé quatre jeunes du quartier. Ils se sont mis chacun leur tour à raconter ce que les vieilles leur avaient confié. Vous auriez dû les entendre. Ils ont ici le sens de la transmission orale très développé. Ils relataient les contes cueillis avec moult détails et les autres camarades suivaient, bien attentifs. Les quatre enfants ont rapporté six aventures souvent drôles et bien différentes des livres gentils pour enfants de chez nous.
On avait pensé faire cinq petits contes, mais devant l’abondance de matériel, on va doubler la mise.
France, ma mort n’est pas proche mais le paradis nous visite parfois…
samedi 1 août 2009
DJIDDA CHRISTOPHE EST UN PEU MALADE
Je rentre du stationnement (le centre du village); je viens de laisser Christophe qui doit se reposer un peu. Il va mieux aujourd’hui, il est venu me visiter.Je devrais déjà être au lit (il est 21h50), mais j’ai trop envie de vous partager la semaine de Christophe. Djidda Christophe, si vous vous rappelez, est le volontaire national qui a commencé le travail à la commune avec moi, mais qui a dû laisser car ses études à l’école normale de Maroua lui demande tout son temps.
Depuis une semaine, il est au village car la maladie l’a frappé « bien ». Un bon palu (malaria) doublé de trouble gastrique (évolution gastrique?) ont fait perdre au petit plusieurs kilos et lui ont donné un air bien inquiétant. Comme le palu et autre maladies ici sont souvent causés par une eau non traitée et bourrée de bactéries, je me suis dit que je pourrais le soutenir sur ce point. Je lui ai proposé d’apporter des bouteilles d’eau de la maison (l’eau du village mais passée au filtre fournit par mon ONG).
Mes visites régulières à la concession familiale de Christophe m’ont enchanté. Je connaissais déjà sa famille. Son papa vit avec la mère de Christophe depuis toujours, ils ont eu quatre enfants. Il en a cinq autres, avec autant de femmes différentes je crois. Elles sont passées, elles sont installé un temps puis ont continué leur chemin. Le père de Christophe exerçait le métier de maître boucher, ici très populaire auprès des femmes.
Au cours de mes visites donc, j’ai aimé prendre le temps de m’asseoir et de discuter lentement avec les sœurs et la mère de Christophe, pendant qu’elles préparaient soit les sauces avec les feuilles sauvages, soit le vin de mil pour vendre au marché. La maman, Dada Blandine (comme vous Madame Sweetman!) me dit constamment « Sise Serge, Sisse hadi ». Elle me remercie avec ce regard de mère qui s’inquiète pour son garçon. J’ai su ce soir qu’elle a perdu il y a neuf ans son premier fils : il avait trente-deux ans. Encore aujourd’hui, elle ne peut voir une photo de lui sans pleurer. Comme Djidda est maintenant l’unique garçon, il rassure constamment la maman en lui disant que ça va bien.
Je trouve ces histoires toujours touchantes. En fait ce genre de situation se passe partout mais comme je flotte une peu ici, j’ai l’impression d’y être plus sensible.
Bon, je dois aller au lit. Avec vos prières et vos pensées, Christophe va retourner bientôt à ses cours.
mercredi 22 juillet 2009
UNE BONNE TAPE AUX FESSES…
Mon cours de guiziga s’est terminé par une conversation très sympathique avec mon professeur Yuguda. On discutait du respect en général :-Tu sais Serge, un enfant bien chicotté (la fessée avec le bâton de bois –la chicotte), c’est très bon. La façon africaine, ce n’est pas comme chez vous, il faut parler et parler avec l’enfant… -Mais Yuguda, c’est bon de parler avec l’enfant.-C’est bon Serge, mais quand tu as expliqué une fois, deux fois, trois fois et que le message ne passe pas, il faut autre chose!-Autre chose?-Tu laisses l’enfant aller. Le soir venu, tu le prends, lui rappelles ce qu’il a fait et la chicotte fait son travail. Tu demandes à l’enfant si il va recommencer. Il te dit que non, et tu le crois.Je repensais à tout ça après et ça me faisait bien rire. C’est comme l’autre jour, je discutais avec ma voisine; son garçon de quatre ans et son neveu du même âge s’agrippaient à mon vélo. Elle les a averti une fois de quitter, deux fois. Ils ont cessé et elle a continué la jasette en leur demandant de présenter les mains. Ils les ont tendu avec réticence et un petit coup de bâton sec sur les mains a renforcé l’explication. La maman continuait à parler tout en souriant aux enfants et à moi.Je ne voudrais pas entrer dans la morale et je suis qui avec mes zéro enfants pour juger quelle est la bonne méthode. Si j’avais sept jeunes enfants, avec tout le travail que cela exige, surtout sur la terre africaine, je chercherais des façons efficaces de bien les élever. Vous savez ma mère m’a déjà cassé une planche à pain en bois sur les fesses. Ne vous en faites pas, c’était l’hiver et j’avais un pantalon épais. Et en y repensant, elle aurait pu m’en casser au moins quarante-quatre… J’étais un p’tit gars toffe (sic).
samedi 11 juillet 2009
PETITES NOUVELLES DU VILLAGE
TRAGÉDIE D’EAU… Il y a le puit avec la pompe: on l’appelle « forage ». Il y a le puits à ciel ouvert dans lequel on puise avec le sceau. Ce dernier a habituellement au niveau du sol un muret de béton qui empêche d’y tomber. Pas trop loin d’ici se trouve un puit privé mais sans protection; le trou est au niveau du sol. La semaine dernière, un jeune fille de 14 ans est tombé et est morte (bien sûr). On a mis des heures à remonter le cadavre. Elle était épileptique.
GUIZIGA 101… J’ai déjà reçu 4 cours de guiziga. Mon prof se nomme Yuguda Jean-Paul. Nous travaillons avec un syllabaire et nous discutons. J’aime bien ça et les gens du village sont très contents quand je les salue dans leur langue…surtout les vieilles. C’est pas évident mais j’aime beaucoup. Et on m’encourage beaucoup. Yuguda me dit toujours : Cherge, tu vas parler guizida « bien ».
LÉGER & LÉGÉR EN BROUSSE… La semaine dernière, on a sillonné tous les villages de la commune (une trentaine) et rencontré 200 personnes avec un sondage sur la perception des citoyens face à la commune. Comme c’est le temps des semences, on allait directement dans les champs. Je faisais équipe avec Aminou Ardo de Mouda. On avait traduit les questions en guiziga. C’était trop rigolo. La première dame rencontrée, quand on lui a demandé son âge nous a répondu : « Si j’ai plus de 50 ans, mais voyons, j’ai 101 ans ».
15 JOURS SANS LUMIÈRE… « Au moins, il fait beau! » me direz-vous. Oui c’est vrai mais la situation est difficile pour les gens qui ont les moulins pour écraser le mil et le maīs, et pour ceux qui doivent faire moudre (tout le monde a dans le grenier du mil qu’on fait moudre chaque semaine pour les besoins de la famille). Aujourd’hui, on partait dans les villages éloignés (l’électricité ne se rend pas là) ou les moulins fonctionnent au gaz. Faire 10 km à pied ou à vélo avec un sac de 20 ou 30 kilos, faut le faire. Le petit voisin est parti ce matin; il est 20h et il n’est pas rentré. Il parait que là-bas, les files sont longues.
UN JOUR, LA MANGUE POUSSERA… Maman, je fais comme toi et Papa, je plante des arbres. Le premier sera un manguier. Mon jeune voisin l’a mis en terre voilà 15 jours. Il l’a entouré de branches d’épines pour le protéger des moutons des voisins. Si j’ai la chance, je mangerai la mangue avant mon départ du Cameroun… En passant, je n’y suis plus allergique. Quelle chance!
samedi 20 juin 2009
IL FAUT QUE LA PLUIE VIENNE
On est le 8 juin. La lumière a quitté Moutourwa depuis une trentaine d’heures. À 21h, de grands vents se sont levés. Les nuages laissent transpercer une foule de hâlots blancs : les éclairs veulent traverser mais n’y arrivent pas. Il faut que la pluie vienne. Celle d’hier a permis à bon nombre de semer le mil rouge mais encore trop de paysans n’ont pas pu agir, l’eau ne s’ayant pas déversée également sur le territoire.
J’aime le silence de cet extrême-nord au cœur de l’Afrique. Souvent je pars marcher dans l’arrière village, à la brunante, cherchant le coucher du soleil. Je croise les femmes qui reviennent de la brousse avec des fagots de longs bois séchés sur la tête : elles pourront préparer. Un défilé de bœufs revient du pâturage, accompagnés des bergers épuisés. Je m’isole un peu et j’accueille la paix.
C’est un peu gênant de parler de spiritualité mais je me sens plus près de celle qui m’habite ces temps-ci. La proximité des gens et leur préoccupation quotidienne pour l’essentiel (l’eau, la pluie, les semences et l’argent absent) me touchent. Je me surprends à prier pour que je sois toujours aussi bien durant mon séjour ici.
Il faut que la pluie vienne. Avec ma bicyclette vers 17h, j’ai poussé du côté de Ganaan, un petit village enclavé entre les montagnes. Des gars étaient à construire un boucarou avec des briques fait de la terre d’une termitière tout près. L’un d’eux me demandait si on construisait comme ça là-bas. La maison est pour une vieille; elle était assise tout près, avec d’autres femmes et une douzaine de jeunes enfants. J’ai voulu approcher les petits mais ils se sont reculés, un peu terrorisés : le blanc ne leur rend pas souvent visite.
Je sais que je l’ai peut-être déjà dit, mais ce dont je suis témoin au Cameroun me suggère une vision de la colonisation des régions au Québec il y a soixante-dix ans. Je me dis que la difficulté de la vie pouvait se rapprocher de ce qui se vit ici aujourd’hui. La différence est qu’ici, on attend encore la révolution, tranquillement.
Il faut que la pluie vienne, qu’elle me saisisse bien fort et qu’elle me rappelle que je ne dois pas me nourrir intérieurement de la faim de mes frères…
Eh! La pluie est venue, dans la nuit du 14 au 15. Une pluie qui rappelle un 14 juillet dans un autre endroit. À 4 heures du matin, on partait déjà au champ et on attelait les bœufs. Vite, allons planter les graines(sic)!
samedi 30 mai 2009
PETITE SEMAINE
Çà fait déjà trois mois que je suis au Cameroun, deux mois et demi à Moutourwa. Le temps passe bien vite, même si on n’a pas toutes les distractions du premier monde. Lundi, je suis allé à la fête de départ de Heīdi à Mouda, un des vingt et quelques villages de Moutourwa. Il n’y avait pas la lumière mais on avait loué un groupe (génératrice) pour la soirée : la bière était un peu chaude mais tout a été bien plaisant. Heīdi rentre au pays après neuf mois d’implication dans les écoles de son secteur. Elle a formé des AME (association mères-élèves) qui sont très dynamiques. Ces associations sont nécessaires parce que les femmes ne s’impliquent pas dans le monde scolaire, réservé aux hommes plutôt. Entre femmes, elles prennent confiance et s’informent sur des choses utiles à la maison (maladies et hygiène chez les enfants, etc). Aussi, on dit souvent que des projets menés par des femmes réussissent bien : elles s’impliquent beaucoup et on le sens du bien commun. Comme par hasard, les projets menés par une majorité d’hommes se retrouvent avec des pertes monétaires mystérieuses…
Aujourd’hui, j’ai été gâté par mes voisines. Deborah m’avait dit qu’elle préparait le « foléré » aujourd’hui et qu’elle me le ferait goûté. Tel que promis, elle arrive ce soir avec une belle assiette : foléré (feuille sauvage cuite avec oignons et sauce d’arachide) et la boule de maīs. Je commence à me régaler alors qu’on frappe : Pauline –une autre voisine– m’apporte un petit caquelon avec la viande dans une sauce à base de « gumbo » (genre de concombre mince, sans le goût de ce dernier). La viande était une partie du boyau du bœuf (pas les trippes…un artère peut-être. En tout les cas, c’était délicieux. J’ai été bien touché par la gentillesse de mes voisines. Je me promet de leur faire un pâté chinois un de ces jours.
Au travail, ça roule bien. Nous avons commencé les rencontres de zones ce vendredi, à Damaī. On est allé dans ce village en premier car il peut être inaccessible au temps des pluies. Les eaux tombées en quelques heures sont si importantes que les routes se transforment en pistes de boue impraticables; le village est alors isolé pour un temps. Damaī se divise en deux partie, Damaī Foulbe (Peuls musulmans) et Damaī Guiziga (Guiziga souvent chrétiens ou paīens). Les Peuls parlent fulfulde mais les deux communautés vivent en harmonie.
Ici l’accomodement raisonnable, ça ferait bien rire…
vendredi 15 mai 2009
LA SIMPLE VIE
On est mercredi. Il fait 34,5 degrés dans ma maison, peut-être 43 degrés dehors. Ma 3ème voisine Nama est sûrement aller en brousse ce matin semer son quart d’hectare de mil. Le mil est un genre de féculent, l’aliment de base de la cuisine locale : leur patate on pourrait dire. On le fait moudre. Ensuite on le prépare sur le feu de bois. En le mélangeant avec l’eau, on le brasse bien et il en ressort une boule de pâte que l’on sert avec une sauce à base de feuillage ou d’arachide; avec un peu de viande si on en a les moyens. En saison, on récoltera le haricot (la fève) et ce sera des protéines de plus. Les fruits de certains arbres complèteront les suppléments. La laitue que je trouve au marché est un luxe qui se paie à l’occasion.Avant-hier matin, j’ai apporté chez Nama mes restants de table pour ses cochons (pelures de carottes, bananes pourries, queues de laitues, etc.) Elle m’a remercié et a fait la remarque que ses cochons se régalaient de choses qu’elle n’avait même jamais dans son assiette… Du coup je n’ai su que bafouiller. Je me suis dis par la suite qu’elle en mettait… « un peu, un peu » comme on parle ici. Mon titre est « La vie simple » mais on est en face de la pauvreté. Une pauvreté qui nécessite beaucoup d’imagination et de temps pour préparer le seul repas complet de la journée. Le mil est engrangé pour soutenir la famille durant les mois précédant la prochaine récolte. Même si on a un petit travail, tout le monde doit avoir son champ pour survivre. De mon côté je survis très bien. Comme volontaire, j’ai eu droit à un vélo que l’on m’a amené vendredi dernier. On rit beaucoup au quartier en voyant le « nasara » filer sur son bolide. Moi je suis bien content. Je pourrai aller visiter facilement les villages. Une fois en brousse qui sait, je pourrai m’acheter un petit champ à cultiver!
LES INITIÉS
J’ai peine à savoir commencer cet article tellement le sujet vogue dans la controverse….Allons-y donc simplement.J’ai assisté ce weekend à la sortie des initiés (ou circonciés) de la brousse. Environ deux cents jeunes garçons entre cinq et quinze ans ont passé un mois et demi dans la forêt en bordure du village, pour vivre le rite de passage propre à la tradition du peuple de Moutourwa, les Guiziga. On dit que l’enfant mâle qui entre en brousse ressort « homme ».Avant l’installation au camp, les anciens sillonnent le village à la tombée du jour, attrapant les garçons non circonciés (avec l’approbation des parents). En brousse, on les circoncit et on les garde ensemble pendant environ six semaines. Durant cette période, les activités ont toutes pour but de faire que l’enfant devienne un homme responsable qui respectera ses parents et s’engagera à faire une bonne vie. Les petits dorment dehors. Ils vont quand même à l’école, mais ne doivent pas parler à personne, surtout pas avec le professeur si elle est femme. Outre la circoncision et les activités de survie, on les chicotte bien et on leur fait des brûlures aux avant-bras (six ou huit petits cercles). Côté nourriture, ce sont les familles qui voient à apporter au camp le nécessaire.La sortie est assez grandiose et c’est ce à quoi j’ai pu assister, avec mes amies volontaires Ruth et Karine. On s’est retrouvé chez Aminou à sept heures du matin : il demeure en face du boisée des initiés. Vers neuf heures, on a eu l’autorisation de s’approcher du boisée. Les tambours et les grillots (genre de flûte traditionnelle) se sont éclatés et les initiés sont apparus, tous vêtus de grands habits, avec un foulard qui leur cache le visage. La procession s’est dirigée vers la maison du chef des initiés. Là, ils se sont mis à danser, avec les mamans qui criaient, essayant de reconnaître leur petit, avec comme tout indice les yeux des garçons. Quand les enfants sont tous reconnus, ils dansent puis rentrent chez le chef pour se reposer un peu. À leur sortie, ils se sépareront en bande selon les quartiers; c’est alors la tournée. Nous, on suivra les garçons du quartier Roum, ou le petit frère de notre ami Christophe fera un arrêt à la maison de la maman. À cet arrêt, il s’agenouille devant l’entrée. La mère amène une poule que l’on égorge et qu’une jeune fille sélectionnée sur place préparera…À la fin de cette tournée, le grand groupe se retrouve sur les lieux du camp, on y amène le festin. Autour du camp se rassemblent tous les hommes du village qui ont fait dans le passé ce rite. Ils se regroupent selon l’année de leur initiation. Certains groupes se dévêtissent et se chicotent, question de se souvenir qu’ils doivent marcher droit. Nous ne sommes bien sûr pas autorisés à assister à cet étape : les non initiés restent du côté des femmes. Quand les jeunes ressortent de nouveau, les femmes et tout le village peuvent danser avec les initiés et leur chef. Ce dernier prend alors la vedette : il a réussi à ramener tous les garçons vivant de la brousse.Ce que j’ai raconté, c’est ce que les non-initiés sont autorisés à savoir. On me dit par contre que la tradition se vit bien plus doucement qu’avant. Autrefois, on installait le camp beaucoup plus loin en brousse et il y avait moins de surveillance quand à la santé des petits. Parfois même des enfants mourraient, mordus par un serpent ou suite à des complications de la circoncision. La tradition voulait que sur le moment, le père seulement apprenne la mort de l’enfant. La mère, à la sortie des initiés, recevait à sa porte les vêtements du petit…son fils ne reviendrait pas.J’entends déjà les mots « barbaries » et « coutumes à interdire » sortir de vos pensées. C’est toujours le combat entre la tradition et la rationalité, entre l’enfant trop jeune et son acceptation par le groupe. Ici au village, les opinions sont aussi multiples. Tous ne participent pas et des enfants gardent un souvenir très amer de ce séjour en brousse. Un nombre de gars adultes me disaient qu’ils avaient fait et qu’ils en étaient fiers. Mon regard reste ambigu sur tout ça. Comme les témoignages reçus ne sont apparemment qu’une part de ce qui est « racontable », ma réserve s’agrandit sans que j’aie à imaginer le reste. Je crois que la tradition évolue avec la mentalité du village. Elle se transformera avec le cheminement des gens. L’idéal serait qu’il y ait débat entre les gens du milieu.Durant l’événement, j’ai trouvé chez les petits du groupe un air fatigué et triste. De voir leurs cicatrices aux avant-bras me crevait le cœur. D’un autre côté, la joie du village et la beauté du rassemblement valaient le déplacement. De plus, un grand nombre sont venus nous dire combien ils appréciaient que nous les blancs, on soit avec eux pour la journée.La tradition de la circoncision ne se pratique pas dans toutes les tribus de la région. Plusieurs ont des rites de passage pour les garçons; ça va du similaire à des séjours plus courts et pour des gars plus vieux, avec des épreuves moins difficiles. Je vous laisse là-dessus. Bonne discussion dans vos chaumières, et souvenez-vous que les œillères, il faut parfois les tasser un peu…
vendredi 24 avril 2009
MON CHEZ MOI A MOUTOURWA
Ma maison n’est pas le “boucarou” traditionnel d’ici mais une habitation de briques: une grande pièce principale, une autre servant de cuisine et ma chambre (je sais, j‘ai déjà énuméré ça avant, mais je vais développer un peu plus). L’extérieur est tout rose et un bleu ciel est au-dedans. Je garde les murs vides pour l’instant, à part une carte du Cameroun reçue à mon arrivée.
Le parterre est de sable, je l’ai fait nettoyer par Isaac, un jeune du quartier, le frère de Wulkam qui puise mon eau chaque semaine. Bientôt, je planterai des arbres, question d’amener l’ombre, d’ici quelques années. Mes parents en ont planté une soixantaine dans la maison familiale au pays, je continue la bonne habitude.
“Et la chaleur?” comme on me dit ici quotidiennement. Et bien la chaleur, elle est partout, même dans ma maison. Le thermomètre grimpe souvent à 36C en après-midi et ça peut aller à 4h du mat pour retrouver un 30-31C... J’ai le ventilateur qui ne pousse rien de bien frais. Je laisse aussi sûrement un bon litre de sueur dans mon lit chaque nuit, pas à avoir fait ce que votre esprit mal tourné pense... Ça vous semble pénible mais on s’y fait. Ma collègue au travail me dit qu’en décembre, il va faire bien frais: on devra mettre le chandail et se couvrir pour dormir...brrr!
Je l’ai peut-être déjà dit, mon habitation est sur un grand terrain entouré d’une clôture de brique, dans le quartier Bongolori. Dans cette “concession” se trouve deux autres maisons comme la mienne. Celle dans face est louée par Constantin un professeur d’allemand. Il est marié et père du petit Martial. L’autre abrite une famille plus grande. Le mari est gendarme, on ne le voit pas souvent. Sa femme (très gentille, je l’aime bien) attend un huitième enfant; les sept qu’ils ont sont âgés entre deux et dix-huit ans environ. Eux, il n’ont pas la lumière (l’électricité). Le soir, je les entend jaser; ils dorment souvent dehors, c’est plus frais. Moi, le blanc qui dort avec son moustiquaire, je reste plutôt à l’intérieur.
Pour mes ordures, je les brûle de temps à autre et je nourris les cochons d’une autre voisine avec mes restants de table. Dans la concession, il y a quelques chiens et chats, des chèvres et un bouc. Ah oui! Depuis hier, il y a des petits crapauds gros comme des balles de golf, signe que la saison pluvieuse est en route.
jeudi 16 avril 2009
MON TRAVAIL AU CAMEROUN: PAR LES LIENS DU SANG
On parle de moi ici comme volontaire. Ce terme est plus utilisé en anglais (volunteer). Je suis davantage un coopérant, lié à la commune (la municipalité) de Moutourwa. Mon rôle est de collaborer au renforcement des capacités des élus et des employés, dans le grand projet de décentralisation voté en 2004 au Cameroun, mais pas encore effectif. Quand tout sera enclenché (on parle de 2010-2011), plusieurs pouvoirs additionnels de gestion seront transférés aux communes tel l’éducation, la santé, etc. Le projet que VSO et Moutourwa pilotent veut aider le peuple d’ici à affronter ce cadeau qui arrive, en améliorant sa gouvernance et son efficacité.
Le 29 avril, je tiendrai avec tous les intervenants une grande rencontre qui lancera le projet Notre Commune Notre Avenir. Avec un comité de travail, on fera un inventaire des forces et des faiblesses de la commune, à partir duquel on établira un plan de match pour les prochaines années (formation; sensibilisation). La toile de fond de tout ceci est l’accès aux services de base pour les populations vulnérables.
Vous vous demandez sûrement ce que je fais dans le municipal? La réponse vient de mon bagage génétique… En effet, mon père, Richard, a travaillé presque toute sa vie dans le municipal. Il a été d’abord secrétaire municipal, ensuite responsable de tous les services du village (incendie, eau, collecte des ordures, entretien des routes, permis de constructions, etc.). La discussion autour de la chose municipale était quotidienne à la maison familiale. Le fait que je sois d’un « petit » village (en Gaspésie) m’a donné aussi, sans que je m’en aperçoive à cette époque, une image très claire du fonctionnement de la « bébitte municipale ». -Richard, tu dois bien rire là-haut, à me regarder patauger dans les services publics africains. En tout cas, je compte sur toi pour nous aider à réparer les fuites…
DEUX ANS DE BONHEUR AU CAMEROUN...LE SORCIER DE RHUMSIKI ME L'A DIT
Un autre texte à saveur touristique. Que voulez-vous, c’est frais d’hier! Moi et mon amie Karine avons passé 3 jours dans les monts Mandara : la chaîne de montagnes frontalière entre le Cameroun et le Nigeria. La route de 50 km pour se rendre à Rhumsiki (le petit village touristique de la région) n’est pas asphaltée; elle est très pierreuse et plus accueillante pour les 4X4 que pour les autos. Rhumsiki est nichée entre des montagnes aux formes étranges, qui rappellent un décor lunaire ou des paysages du désert du Nevada. On dit Rhumsiki très touristique mais l’accès difficile lui donne seulement quelques dizaines de voyageurs par semaine, au maximum, et pas durant toute l’année.
Promenade de 5 heures dans les hauts et les bas, du côté nigérien ou camerounais, mais toujours au milieu des Kapsiki, le peuple qui habite cette région. Visite incontournable chez le vieux sorcier au crabe, qui moyennant 1000 francs (2$can), m’a confirmé que je serais très heureux durant mon séjour de deux ans en Afrique.
Durant la nuit, on a été tenu éveillé quelques heures par des cris bizarres de lamentation. Au matin, les gens de l’hôtel nous ont expliqué que la jeune voisine pleurait son jeune enfant de un an, ramené sans vie de chez ses parents dans la soirée. Cette façon de se lamenter selon une coutume précise nous étonne mais surtout nous ébranle.
Concernant la mort ici, il y a beaucoup à raconter. Faute d’argent ou de place dans les cimetières, et surtout par tradition, les morts sont souvent enterrés sur le terrain de la maison familiale, sans cercueil et le jour même du décès (à 40C, on ne s’expose pas trois jours sans vie). Aussi, on explique presque toujours la mort avec la sorcellerie, dans ce pays qui longtemps ne comptait que des peuplades animistes (explication de la vie par la nature : les animaux ont une âme, etc). L’héritage animiste est encore fort…attention donc aux mauvais sorts…
jeudi 9 avril 2009
PETITE MAISON JOLIE
Si vous parcourez les guides touristiques sur le Cameroun, on vous montrera souvent la maisonnette au toit de paille. Vous penserez peut-être que c’est la façon traditionnelle et qu’elle tend à disparaître...détrompez-vous! Pour cent maisons qui m’entourent, quatre-vingt-quinze ont cette allure de carte postale.
On commence la construction par le choix d’un emplacement. Avec la terre glaise qui forme le sol environnant et un peu d’eau, on fait un genre de ciment que l’on malaxe avec les pieds. On moule la brique rectangulaire qui sèche en quelques minutes. Quand les briques sont bien sèches, on fait encore un liant avec la terre, et on monte les murs de la maison ou de la clôture du jardin. La charpente du toit se composent de branches sur lesquelles on dépose de la paille attachée en petits paquets, que l’on étend bien serré pour que la pluie ne pénètre pas dans la pièce. On construit souvent plusieurs maisonnettes: chacune constituant une pièce en soi. L’aire à ciel ouvert au centre de ces cases forme la salle commune; on y cuisine, les enfants y jouent, etc. Il n’est pas rare de trouver des plus petites cases réservées aux animaux (cochons, brebis). On installe également dans la cour des paravents en paille (en secos) avec un toit. Cette pièce est fraîche et protège de la pluie. On l’utilise pour dormir dans les grandes chaleurs.
J’oubliais de parler du grenier à mil. C’est un genre de grosse urne en terre rehaussée avec des pierres et avec un mini toit de paille. On y “stock” le mil pour le consommer en saison sèche.
On rêve bien sûr de maison plus confortable, mais le faible coût de celle décrite la fait choisir comme habitat. On pourrait soutenir que c’est très “vert” comme mode de construction...
P.S. Prochainement (on emploie beaucoup ce mot ici), je vous parlerai de mon travail avec la mairie. Je suis encore dans la phase débroussaillage sur ce à quoi va ressembler mon projet. Allez...prochainement!
vendredi 3 avril 2009
EAU! EAU! EAU!
"La jeune femme sort de chez elle vers 14h avec ses 4 bidons de 20 litres dans la petite brouette qu’elle pousse durant une douzaine de minutes jusqu’au puits. Il y a déjà environ 20 personnes qui attendent. La pompe est manuelle: on tourne une manivelle et l’eau sort du gouleau timidement. La jeune femme remplit ses bidons en alternance avec les autres; elle rentre à la maison vers 17h45. Bientôt la vaisselle et les 5 enfants sont lavés; il restera du liquide précieux pour le matin. Demain la jeune femme ira peut-être au puits près du foyer des jeunes: on y puise l’eau en lançant le récipient et la corde. C’est plus long mais il y a moins de monde."
Comme dans plusieurs localités de l’extrême-nord, Moutourwa a une relation...assez sèche avec l’eau. Précisons d’abord que l’eau courante n’existe pas dans la localité. Il y a plusieurs puits dans la ville centre et d’autres répartis dans les villages, dans les terres. Comme le niveau des puits est actuellement bas, il est plus long puiser le nécessaire. Plusieurs puits fonctionnent mal; certains carrément pas. Bien sûr, le nombre est insuffisant. Le coût d’un forage pour un puits est environ 18 000$CAN. Plusieurs organisations internationales paient pour la majorité du montant: on demande environ 1 000$ à la commune comme part. L’entretien et la réparation sont les responsabilités d’un comité d’usager. Un comité par puits. Certains comités sont prévoyants; d’autres n’ont pas toujours les fonds nécessaires quand le besoin se fait sentir.
J’ai à peine commencé mon travail et jasé avec les gens que je peux vous dire que l’eau ici est la préoccupation la plus grande chez le citoyen en ce qui a trait aux services de base. Dure d’être plus “basic” que l’eau...
vendredi 20 mars 2009
RUTH, PASCAL ET L’ÉCOLE BILINGUE
Ruth est volontaire en éducation à Moutourwa, Pascal est son collègue camerounais. Comme collègue ou homologue, Pascal est une personne essentiel dans le travail du volontaire international; il est du pays, il connait la langue locale et aide aux animations.
Ruth m’a invité à une rencontre avec le comité de l’école bilingue, pour une évaluation du travail accompli et le plan d’action pour 2009-2010. J’ai été…wow! D’abord le travail de Ruth et Pascal. Ruth propose un point de discussion, et Pascal soutire l’information au groupe. Toute la discussion est venue du groupe et presque rien de Ruth et Pascal.
Pour, 2008-2009, le groupe (professeur, parents, représentant de la commune) s’était donné des objectifs tous réalisés : construction d’une salle additionnelle dans la cour (une classe en secos – murs et toit en paille), achat de urnes pour l’eau aux enfants, construction de toilettes pour les enfants, début de plantation d’arbres sur le terrain.
Pour 2009-2010, ils ont proposé encore des projets réalistes et je suis certain qu’ils vont réussir. Ruth les rencontre une fois par mois, voit avec eux ce qui a été réalisé et ce qui est à faire pour le mois à venir. Quand Ruth est arrivé, elle a précisé qu’elle n’avait que sa personne et son expérience à apporter. Le groupe a compris et a fait sien le développement de leur école.
Cette rencontre m’a impressionné parce que Pascal et Ruth, et le groupe de travail ont montré que l’avancement se fait petits pas par petit pas.
Pascal faisait aussi ce jour là une de ses dernières animations; il étudie maintenant à Maroua et n’est plus disponible à temps plein. Mais il continuera à voir Ruth…
MOUTOURWA
Au risque de me répéter, Moutourwa me rappelle Jardim de Piranhas, petite ville de 10 000 habitants du Nordeste brésilien: même chaleur sèche, même sol roux et poussiéreux. Moutourwa compte environ 40 000 personnes, réparties dans 29 villages tout autour du centre. Ici la terre appartient à celui qui l’habite et la cultive. Il y a donc de l’habitat partout.
Je suis arrivé au village mercredi dernier avec le maire, qui m’a amené à ma petite maison rose, maison qu’avait occupé Lucie, une volontaire court terme de la région de Montréal – Bonjour Lucie! – Je suis à environ 15 minutes à pied du carrefour (centre du village). Après deux jours d’installation sommaire, je suis rentré à Maroua, avec une longue liste de choses à acheter pour assurer ma subsistance pour les mois à venir (vaisselles, draps, etc).
Ma maison est spacieuse : une salle de séjour/salle à dîner; une pièce ou j’ai installé le frigo, le poêle à gaz et mes réserves d’eau; une chambre à coucher pour ronfler gentiment. J’ai la lumière (on nomme l’électricité ainsi) mais pas l’eau courante. Il y a des puits pas très loin; je vais faire remplir mes bidons 2 ou 3 fois semaines, c’est à voir.
J’ai commencé officiellement le travail hier à la mairie. J’ai rencontré le maire, le secrétaire général, le sous-préfet et les employés de la mairie. On m’a introduit à l’hôpital et je me suis rendu au marché hebdomadaire. Tout se passe bien sûr dehors. J’ai acheté les oranges, les oignons, la papaye et les limes. J’ai fait coudre mes rideaux pour la maison et j’ai acheté des crédits pour mon cellulaire…Et oui, moi qui n’avais pas ce bidule au Canada, je ne sors plus ici sans mon Nokia.
Après un bon souper chez Ruth, une autre volontaire ici à Moutourwa, j’ai effectué mon premier retour à la maison la nuit… Étonnant en ce qui me concerne, je suis rentré à bon port, par le bon sentier. Car ici, il n’y a pas de lampadaire et les rues de gravelles englobent une multitude de sentiers menant aux résidences.
Les gens de Moutourwa appartiennent en majorité au peuple Guiziga. Les Guizigas se sont installé il y a longtemps dans la région de Maroua, mais ont été chassé par les Peuls, un peuple de nomades qui aimaient la plaine. À l’école, on enseigne en français, mais les gens communique au quotidien en guiziga. Je vais m’y mettre.
Les gens de Moutourwa sont polis et gentils. J’ai hâte de visiter des villages reliés à la commune, pour sentir le pouls du pays…
En passant, la chaleur… je le redis, ça va… j’étais dû pour Moutourwa.
VERS LE NORD...EXTRÊME
Midi et quart, le 18 mars 2009. Je suis à la mairie de Moutourwa depuis 9h. J’ai pris connaissance du plan de travail qui m’est attribué pour la 1ère année. Mais avant de jaser boulot, je dois revenir une dizaine de jours en arrière…
Yaoundé est passé, on part le 6 mars vers la region de l’Extrême-nord. D’abord le train. Avec 2 volontaires et un membre VSO de l’équipe camerounaise, on passera la nuit en couchette, pour une route de 13 heures. Cette route sera ponctuée d’arrêt en terrain inconnu. À chaque pause, une horde de vendeurs défileront le long de la voie : Avocat…voca…vocat! – Bon miel! La banane! Les voyageurs achètent par les fenêtres et offrent aux enfants les bouteilles vides. La nuit est bonne, la couchette comfortable et l’air se déshumidifie peu à peu. À Ngaoundéré, la voiture VSO est là; un hasard et l’avantage d’être un petit groupe fait que l’on arrivera à Maroua, capitale de l’extrême-nord vers 18h. Vingt-quatre heures de voyage, environ 1400 km; on est passé du sud humide au nord sec. Sec et chaud.
L’extrême-nord…Ça me rappelle beaucoup l’intérieur du nordeste brésilien (le Sertao), un paysage de terre sèche, une chaleur sèche qu’en fait je supporte assez bien.
Maroua compte environ 200 000 habitants; est traversée par le lit d’une rivière sans eau pour le moment, le mayo Diamaré. La moto-taxi est reine ici; on paie 100 CFA par personne pour la majorité des déplacements. C’est fou ce qu’on peut mettre sur une petite moto 2 places (4 personnes, un sac de mil de 50kg, 3 poulets etc). Je m’habitue à ce genre de transport, en m’assurant que des exercices matinaux renforcent mon vieux dos.
Maroua est le siège de beaucoup d’ONG qui travaillent dans l’extrême-nord, ce qui fait que beaucoup de Nasaras (blancs) s’y retrouvent. Le weekend, les volontaires VSO arrivent des petites villes de la région pour faire des courses, profiter d’internet et rencontrer les amis volontaires. Maroua sera donc un de mes oasis durant les 2 prochaines années; mon point d’ancrage sera à 50 km, dans la petite ville de Moutourwa… Mais ça, c’est une autre histoire.
vendredi 6 mars 2009
PREMIERS JOURS
Déjà 5 jours que je suis à Yaoundé. Je ne sais pas par où commencer pour paraître intéressant. Yaoundé est une capitale un peu chaotique mais pas trop. Les gens sont assez grand; je suis ici dans la moyenne. La vie semble se passer dans la rue, avec le traffic incessant des gens et des taxis jaunes, qui font ici office de transport en commun. On paie 100 francs (CFA) pour une courte distance – environ 20 cents. Le prix est bien sûr par passager. Nous sommes en formation depuis lundi : des volontaires d’Angleterre, des Philippines, de l’Irlande, de la Lituanie et du Rwanda. Karine, une Française-Américaine, partira avec moi demain vers l’Extrême Nord: une expédition de 26 heures en train et en bus. On verra défiler le pays, ses habitants, ses paysages et ses climats. La formation était similaire à celle reçue au Canada, avec la chaleur et l’adaptation physique en extra. La bouffe est bonne et variée à Yaoundé. On dit que c’est également bon au nord, mais assez limité surtout en cette saison sèche qui commence. Les enfants sont adorablement beaux; les femmes sont fières et les hommes costauds. Tout le monde est très poli, à l’hôtel comme dans la rue. Le français d’ici est très coloré, simple et charmant à l’oreille. C’est tout pour l’instant. Il faut attendre encore un peu pour les choses croustillantes… À plus…au nord! Tchou! Tchouuuu!
mardi 24 février 2009
Minha despedida...
C'est le mot portugais pour parler de la fête soulignant un départ. Ma "despedida" s'est tenue samedi dernier chez ma soeur France. Je pars dans 4 jours pour Moutourwa, ville de la province de l'Extrême-nord du Cameroun...en Afrique. Avec tout le support que m'a procuré mes proches et mon entourage, je ne peux que me sentir fort devant l'inconnu qui se présente. Imaginez: ma mère est venu de la Gaspésie (quand même 11 heures de train de Montréal) pour ce party.
À Moutourwa, je serai "conseiller en développement institutionnel". Je travaillerai de concert avec les élus et les employés municipaux dans l'analyse du fonctionnement de la commune et dans l'amélioration des modes de gestion, pour que les services se rendent à tous, particulièrement aux plus démunis. C'est un mandat très large et qui peut paraître flou, mais il prendra la saveur que je lui donnerai, avec mes futurs collègues.
En attendant d'être sur cette terre chaude et lointaine, je dois terminer ma valise, ici à Montréal. Une visite chez le pharmacien Jean-Coutu s'impose pour chasser la grosse grippe d'énervement qui m'a frappé hier.
Vendredi, je serai en vol vers Yaoundé, via Paris. Je vous tiendrai au courant de mes péripéties en sol africain, en espérant vous faire participer à cette aventure encore à naître.
Si les appuis reçus sont garants de la qualité du séjour, ça promet!
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